« La société a été officiellement créée à la mi-2004 par Joop Fierens. Mais elle ne partait pas de rien : c’était en réalité le fruit d’un MBO sur un département de R&D appartenant à Abbott Vascular Devices, une filiale de la société Abbott. L’opération s’est faite en complète harmonie entre Abbott, d’un côté, et, de l’autre côté, Joop Fierens, qui était alors le directeur de ce laboratoire de recherche de Abbott Vascular Devices . C’est donc lui qui a créé Medical Device Works, en reprenant le personnel, les locaux, l’équipement.
Pour ce qui me concerne, je suis arrivé un an plus tard, à la demande de Joop. Il faut dire que nous nous connaissions depuis pas mal de temps puisque nous avions déjà travaillé ensemble en 1982/1987 aux Pays-Bas, pour une société d’équipement médical qui s’appelait Cordis. Joop travaillait alors dans le ‘development engineering’ et moi, au département marketing. Cela dit, j’ai une formation scientifique à la base – je suis docteur en chimie et physique de l’université technique de Berlin – mais également titulaire d’un MBA à l’Insead/ Fontainebleau. Et puis, après mon passage aux Pays-Bas, je suis parti aux Etats-Unis pour Cordis. J’y ai travaillé un an et j’ai ensuite participé à un MBO sur un projet de R&D né au sein de Cordis outre-Atlantique. La nouvelle entreprise s’appelait Corvita et était basée à Miami. Je suis revenu à Bruxelles en 1988 pour créer et diriger Corvita Europe.
Quelques années plus tard, en 1994, j’ai participé à l’introduction de Corvita sur le Nasdaq/ New York et, deux ans plus tard, Pfizer rachetait la société. Je suis resté un an encore comme CEO, puis je suis parti. Joost Fierens, lui, est arrivé en 1994 comme Directeur des Opérations de Corvita Europe SA/ Belgium. Et il est resté. Par la suite, et après quelques autres périples, Abbott a racheté le laboratoire à Pfizer et faisait naître ‘Abbott Vascular Devices’. »
« Joop Fierens cherchait un partenaire pour donner de l’ampleur à son projet de MBO. Il m’a appelé en 2005… et sa proposition m’intéressait. En même temps, ce projet de partenariat signifiait pour moi investir de l’argent dans la société. Avant de me lancer, j’ai fait une rapide étude de marché. Les produits me semblaient intéressants, en particulier le développement en cours d’un kit destiné au traitement du cancer du foie, le ‘PILP’ (percutaneous isolation and perfusion of the liver). Avec Joop, nous avons clairement établi que ce produit serait ‘le’ produit-phare de Medical Device Works. »
« Nous avons travaillé six mois sur la mise au point d’un plan d’affaires solide et, bien sûr, sur une stratégie. Puis, nous avons procédé à une première augmentation de capital pour me faire entrer réellement dans la société, à hauteur d’un peu plus de 30%. Joop Fierens restait donc majoritaire. C’était un choix délibéré : c’est lui qui a eu l’idée de développer le PILP, c’est ce produit qui sera le moteur de l’entreprise, il me semblait donc plus honnête qu’il en tire davantage de bénéfices. Et puis, je trouvais ça plus stimulant pour l’équipe… et nous avons aussi voulu que la société soit « R&D oriented »
« Il faut d’abord préciser qu’en Belgique, l’équipe était petite – nous sommes aujourd’hui 10 au total ! Il y avait des ingénieurs, bien sûr, mais pas véritablement de cadres. Et surtout, pas de capital…C’est classique en Belgique : les employés n’ont pas de capital. Ils n’ont pas non plus la même mentalité qu’aux Etats-Unis, où le risque est beaucoup plus valorisé socialement, l’éducation est beaucoup plus ‘capitaliste’. Il faut dire aussi que le même système de taxation est beaucoup plus favorable pour le travail aux Etats-Unis qu’en Europe. C’est bien simple : en Belgique, après les impôts, le financement de votre maison et les vacances, il ne vous reste généralement pas de quoi développer un capital à investir dans une entreprise. Il était alors encore plus courageux pour deux autres employés clefs (les responsables de « Manufacturing Engineering » et de « Product Assurance and Regulatory Affairs » de suivre Joop Fierens dans son aventure de MBO. »
« C’est vrai, mais je suis habitué à prendre des risques. J’ai travaillé en France, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, en Belgique. En travaillant comme expatrié à plusieurs reprises, j’ai bénéficié d’un évident avantage fiscal, qui m’a permis de constituer une petite base de capital. Mais j’ai aussi dû faire des sacrifices, notamment au plan personnel. Il ne faut jamais oublier ce point-là. »
« Eh bien, c’est à ce moment-là que nous avons été voir l’ABE. Nous comptions sur eux pour valider plusieurs points :
Le concept de PILP pouvait-il faire l’objet d’un brevet ? L’ABE a entrepris d’évaluer ce point pour nous et, je dois le dire, cette contribution a été vraiment essentielle pour Medical Device Works. Nous n’avions pas en interne les connaissances nécessaires pour le faire, nous n’avions pas non plus accès aux banques de données appropriées. Sans oublier que tout cela coûte pas mal d’argent, généralement entre 10.000 et 20.000 euros pour des recherches un peu approfondies.
Parallèlement à cela, nous cherchions également d’autres investisseurs pour apporter les 3,5 millions d’euros dont la société avait besoin pour financer son fonctionnement, les études cliniques, etc. Mais pour cela, il fallait d’abord définir avec précision la valeur de Medical Device Works. Et cette valeur, bien sûr, est étroitement liée à la propriété intellectuelle – d’où la recherche sur les brevets – et à ses ventes futures. Sur ce point précis aussi, l’ABE nous a beaucoup aidé : il fallait financer une étude de marché crédible au regard des investisseurs potentiels. Elle a été confiée à un bureau britannique. La Région a financé 50% au titre de l’aide à la consultance.
La Région a également apporté une aide très importante – 480.000 euros tout de même – par le biais d’un subside à la recherche de l’IRSIB (Institut d’encouragement de la Recherche Scientifique et de l’Innovation de Bruxelles) ; de son côté, la société injectait deux fois ce montant en R&D.
Au-delà de ces aspects précis, l’ABE nous a apporté une aide régulière au travers de réunions consacrées au financement de la société, à son plan d’affaires, par exemple pour l’adapter le mieux possible aux attentes des investisseurs. Nous devons beaucoup à l’ABE. »
« Facile ? Non, évidemment non… Il a fallu mettre en place toute une mécanique. D’abord décrocher un financement ‘Starteo’ : pour cela, il fallait d’abord trouver une banque qui accepte de libérer un financement jusqu’à 200.000 euros, de sorte qu’ensuite, le Fonds de Participation apporte un montant équivalent à l’entreprise. Nous avons trouvé la banque et, donc, reçu le soutien du Fonds de Participation et le soutien du Fonds de Garantie qui garantissait le montant prêté jusqu’à 70%. Nous en sommes évidemment extrêmement heureux, malgré les failles du système. »
« Oui, clairement. Pour des raisons que je ne parviens toujours pas à comprendre, notre banquier exigeait que nous apportions notre garantie personnelle – individuelle et solidaire – à concurrence de 300.000 euros sur un prêt de… 200.000 euros fait à Medical Device Works et malgré les garanties donnés par le Fonds de Garantie. C’est déjà étrange.
Mais l’année suivante, en 2007, nous avons trouvé de nouveaux investisseurs, ce qui a eu pour effet de faire entrer de nouveaux administrateurs au conseil d’administration. Joop Fierens et moi conservions la majorité du capital mais, au CA, il y avait parité. En d’autres termes, nous n’avions plus – et c’est normal, j’y insiste – la capacité d’engager seuls la société. Nous n’avions plus l’intégralité du pouvoir de décision et donc, l’intégralité de la responsabilité. Et pourtant, malgré nos demandes répétées, face à notre banquier, nous étions toujours seuls responsables, sur nos biens propres qui plus est !, de l’emprunt contracté par la société. Il n’a pas été possible de rectifier cela. »
« Nous avons commencé par des contacts avec plusieurs Business Angels. Très intéressant mais cela ne correspondait en réalité pas à nos besoins : chaque business angel peut contribuer à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros mais nous, nous devions compter en millions d’euros. Cela dit, nous avons beaucoup appris à leur contact.
Quant au déclic, il est venu des sociétés de capital risque, singulièrement la SRIW et sa filiale Technowal. Elle a ‘accroché’ très vite à notre projet. Puis nous avons trouvé une deuxième société intéressée par le biais de mon réseau de contacts. Il s’agit de Highland Belgium Investment Limited. Enfin, la KU Leuven s’est montrée extrêmement enthousiaste aussi, non seulement les médecins (oncologie, radiologie, médecine interne etc.) mais aussi en termes d’investissement en capital risque. Ils ont même failli devenir le troisième investisseur mais, finalement, ça ne s’est pas fait, pour des raisons liées au risque brevet. Nous étions pourtant proches du but puisque, une fois faites les analyses de « due diligence », il ne restait plus qu’à signer le pacte d’actionnaires. Le stress a été particulièrement élevé pendant quelques semaines mais, finalement, en dernière minute, nous avons trouvé un fonds d’investissement français (en l’occurrence, ‘FCPI Générations Futures’, qui appartient à ODDO Asset Management), grâce au réseau Insead.
Au total, ces trois investisseurs devaient apporter 3,5 millions d’euros en deux phases, la première moitié à la signature du pacte (juillet 2007) et la seconde, une fois que les tests sur les animaux auront abouti. C’est pour la fin de l’année. »
Herbert Köntges : « Absolument ! Nous avons des contrats de consultance extrêmement fructueux avec l’université. Ils ont constitué un ‘Medical Advisory Comity’ de très haut niveau scientifique. Et puis, c’est là que se font les test animaux depuis juin. Ils doivent se terminer en septembre. Par la suite, il y’aura d’autres tests animaux qui s’effectueront a l’Université de Nijmegen en Hollande en raison de la certification de ce laboratoire suivant des normes de qualité « GLP ».
Mais c’est également à la KU Leuven que se feront tous les tests cliniques pour notre produit PILP. L’objectif est que ces tests nous permettent d’obtenir un agrément européen fin 2009. La commercialisation se fera par la suite, mais progressivement : pour percer véritablement dans ce secteur, il faut que l’assurance maladie rembourse le produit. Pour atteindre cet objectif, il faudra encore produire des études cliniques d’efficacité, ce qui prendra deux ou trois ans.
Vous le voyez, il faudra encore tenir jusqu’à 2012-2013 avant d’envisager un boom des ventes. Cela signifie que nous aurons encore besoin de capital – 5 millions d’euros – pour investir dans les prochaines études cliniques et dans le fonctionnement de la société. Il faudra donc un second tour de financement. Mais nos investisseurs actuels vont très probablement continuer à nous soutenir. Peut-être d’autres nous rejoindront-ils… »
Propos recueillis par Adrien Mintiens
MEDICAL DEVICE WORKS sa
Nom : Herbert Köntges Fonction: Administrateur, Director Business Development, Sales & Marketing Date de naissance :4 Mars 1943 Diplômes principaux :docteur en chimie et physique de l’université technique de Berlin, MBA à l’INSEAD Fontainebleau (France) Rentrée dans MDW : 2005 Secteur d’activité : technologies médicales Nombre de salariés :10 Principal défi pour l’avenir : Faire croître MDW et apporter à des patients atteints du cancer du foie une vraie thérapie curative Hobbies :Théâtre, cinéma, musique et toutes descriptions créatives de la situation humaine. Bicyclette et des rencontres avec des paysages naturels et des gens authentiques souvent avec la bicyclette. Philosophie personnelle :Candide – l’innocence et l’optimisme. Coordonnées :Avenue Joseph Wybran, 40 1070 Bruxelles 02-529.51.01 - - www.medicaldeviceworks.com |
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